1.05 – La refloraison
A l’opéra – Londres – 1814
La reine Charlotte est seule dans sa loge. Lady Danbury a invité Violet à la rejoindre dans la sienne.
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Lady Whistledown : Très cher lecteur, tel le Phoenix renaissant de ses cendres, notre reine a survécu au désastre. Une armée de jeunes filles aptes au mariage s’est pressée aux portes du palais. Autant de promesses de fiançailles pour les fils du monarque. Les mariages royaux et l’arrivée de bambins ne devraient plus tarder. Néanmoins, si l’on en croit les échos en provenance du poulailler, le visage de sa majesté n’a récemment montré que peu de satisfaction. On peut se demander si l’imminence de tous ces bonheurs conjugaux ne met pas davantage en lumière la solitude de sa majesté.
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Violet : Il m’arrive de penser que notre reine est probablement la femme la plus seule d’Angleterre. Cela lui manque vous croyez ?
Lady Danbury : Je vous demande pardon
Violet : De se sentir accompagnée. La reine est constamment entourée, certes, elle a ses dames d’honneur mais des valets, des écuyers, des gardes, ne remplacent pas un mari, ni un compagnon. Cela lui manque, vous croyez ?
Lady Danbury : La reine a un mari et bien qu’il soit vivant, elle se retrouve tout aussi veuve que vous et moi.
Violet : Croyez vous que la reine est en recherche …
Lady Danbury : Violet Bridgerton ! Me demandez vous s’il arrive à notre reine de prendre un amant ?
Violet : Non ! non, jamais je n’oserai ! Evitez de penser de telle chose, prêtez plutôt attention à la musique.
Plus tard, dans son grand lit, Violet n’arrive pas à s’endormir. De son côté, Lady Danbury ne trouve pas non plus le sommeil. Elle se lève, prend une lampe et se rend dans la chambre qu’elle partageait avec son mari. Elle éclaire le lit où elle subissait patiemment les assauts de Lord Danbury puis éclaire le plafond qu’elle regardait longuement en attendant que son mari s’endorme et qu’elle puisse s’éclipser pour se plonger dans son bain.
Charlotte se réveille en sursaut, sonne Brimsley qui se précipite en robe de chambre, un bougeoir à la main.
Charlotte : Est-il mort ?
Brimsley : Je n’ai rien entendu de la sorte, votre majesté. J’imagine donc que notre monarque est encore en vie et nous souhaitons longue vie à sa majesté.
Charlotte : Courez vous renseigner. Je veux en être sûre.
Brimsley : Naturellement, votre majesté.
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Toutes les portes s’ouvrent devant les ordres de la reine. Chaque homme, chaque femme de l’empire britannique s’exécute devant les désirs de la reine. Nous prendrions les armes pour la sauver. Mais à quoi bon ? Aucune armée ne saurait conquérir ce dont sa majesté a le plus besoin. La solitude est une bataille que même les souverains doivent mener seuls
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Palais de Buckingham - 1761
Reynolds entend les cris du roi qui viennent du laboratoire de Monro. Il est sur le point d’entrer pour intervenir, mais hésite et serrant les poings, il reste derrière la porte, ressentant la souffrance du roi.
Agatha et ses enfants assistent à l'enterrement de Lord Danbury.
Prêtre : Il est venu sur cette terre et la mort l’a fauché, coupé comme une fleur il a disparu comme une ombre fugace qui jamais ne poursuivra le chemin. Pris au milieu de la vie, nous sommes en deuil. Prions ensemble. Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié. Que votre règne vienne, que votre volonté soit faite, sur la terre comme au ciel. Amen.
Le soir, Agatha déambule dans sa maison, solitaire. Coral descend la rejoindre, munie d’un bougeoir.
Coral : Lady Danbury, puis je faire quelque chose pour vous ?
Agatha : Nanny a dit que les enfants étaient tout de suite montés se coucher.
Coral : C’est la vérité. Madame, avez-vous faim ou … froid ?
Agatha : Ils semblent tous assez peu affectés par la mort de leur père. Ce n’est pas surprenant, Lord Danbury était un étranger pour eux. Il ne les voyait que quelques fois par mois.
Coral : Je peux réveiller Charlie et lui demander de faire du feu. Je suis sure que la cuisinière peut préparer une assiette froide ou même un petit déjeuner.
Agatha : Un petit déjeuner ?
Coral : Il est quatre heures du matin, madame.
Agatha : Je ne m’étais pas rendue compte. Je suis désolée, Coral. Pardon, retourne dormir.
Coral : Je ne veux pas vous laisser seule. C’est normal que vous pleuriez sa perte. Il était votre époux. Peut être qu’une tasse de thé, au lieu de ce … Qu’est-ce que c’est ?
Agatha : Du vin de Porto. J’ai conscience que c’est affreux, mais c’est le vin préféré de Lord Danbury. C’était. C’était son préféré.
Coral : Madame …
Agatha : J’avais trois ans quand mes parents m’ont promise. Quand un contrat a été conclu. Trois ans. J’ai donc été élevée pour être son épouse. On m’a enseigné que ma couleur préférée était le doré, parce que sa couleur préférée était le doré. On m’a dit que ma nourriture préférée était la sienne et uniquement la sienne. Je n’ai lu que les livres qu’il aimait. J’ai joué ses morceaux favoris sur le pianoforte. Et la, je bois ce vin, ce vin de Porto, parce que c’était son vin préféré. Et de ce fait, ce doit être aussi le mien. D’ailleurs, pas une fois, je n’ai … Et même si je l’ai tant de fois rêvé et imaginé et espéré et envisagé, je n’ai jamais réfléchi à la tournure que prendrait ma vie quand il serait parti. Pour toujours. Eliminé de la surface de la terre. Moi qui ai été élevée pour lui, je me retrouve soudain … comme neuve. C’est comme une nouvelle naissance. Et voilà que j’arrive à peine à respirer l’air qu’il ne respire plus. Ce monde ne cesse de changer.
Protégée par une ombrelle que porte un valet et escortée de Brimsley, Charlotte visite les potagers cultivés par George.
Charlotte : Qu’on les moissonne. Donnez les aux pauvres.
Brimsley : Tout de suite, votre majesté.
Valet : Elle est là, Monsieur.
Charlotte : A-t’il écrit ?
Brimsley : Je crains que non, votre majesté. C’est la princesse douairière …
Charlotte : De quoi s’agit il ? Que veut elle ?
Brimsley : Elle s’annonce avec Lord Bute.
Charlotte : Je ne reçois pas de visiteurs.
Brimsley : Euh … Ils ont convié pour l’occasion, le médecin royal.
Charlotte : Eh bien, je refuse catégoriquement de voir le médecin.
Plus tard, en présence de la princesse, de lord Bute et de Brimsley, qui s’est tourné discrètement face au mur, le médecin examine Charlotte.
Princesse Augusta : Vous semblez prendre beaucoup de temps.
Lord Bute : Extrêmement, oui.
Médecin : Je suis très précis, méticuleux. Elle est enceinte.
Princesse Augusta : Voilà qui est fait.
Lord Bute : En êtes-vous certain ?
Médecin : Il n’y a aucun doute.
Princesse Augusta : Les entrailles d’une femme sont essentiellement remplies de doute. Mais êtes-vous sur de ce que vous dites ?
Médecin : Oh, tout à fait sûr. J’ajoute que sa majesté l’est depuis un certain temps. Faisant de magnifiques progrès chaque jour.
Lord Bute : Dieu soit loué ! Pouvons-nous l’annoncer ?
Princesse Augusta : Pas avant les premiers signes. Quand devrait il bouger ?
Médecin : Il devrait commencer à bouger vers la fin du mois.
Lord Bute : Félicitations, votre altesse
Princesse Augusta : Eh bien, j’estime que les félicitations vous reviennent autant qu’à moi, Lord Bute. Je fais venir mes affaires et m’installe au palais de Buckingham sur le champ.
Charlotte : Euh … Quoi ?
Princesse Augusta : Vous portez la couronne. Votre sécurité est de la plus haute importance. Je ne vous laisserai pas seule, ne serait-ce qu’un instant. Nous attendrons l’arrivée du futur roi, ensemble.
D’abord heureux de la nouvelle, Brimsley est contrarié comme Charlotte, d’entendre que la princesse vient s’installer à Buckingham. Le soir, dans sa chambre, Charlotte écrit une longue lettre qu’elle confie à Brimsley. Le lendemain, dans le jardin, le poméranien dans les bras, Brimsley tend la lettre sans un mot à Reynolds et s’apprête à repartir.
Reynolds : Brimsley ! Brimsley, par pitié !
Brimsley : Quoi ?
Reynolds : Pourrions-nous …
Brimsley : Quoi ?
Reynolds : Vous savez que je n’ai pas … Vous savez que mes devoirs … Je ne suis pas …
Brimsley : Bien que je serais très heureux de vous aider à trouver vos mots, j’ai moi-même un devoir qui m’attend. Remettez la lettre à sa majesté.
Reynolds se dirige vers le laboratoire du docteur Monro. Les cris de souffrance du roi s’entendent de loin.
George : Non, non, assez ! non !
Monro : Il le faut, votre majesté.
Reynolds hésite, puis se dirige vers le laboratoire d’un pas décidé et frappe à la porte.
George : Non, Aaaah
Monro : Nous devons continuer.
Assistant : Il vous a été demandé de ne pas déranger le docteur Monro dans son travail.
Reynolds : J’ai une lettre pour sa majesté, de sa femme. Je dois livrer le courrier du roi en mains propres.
L’assistant ferme la porte, qui se rouvre sur le roi torse nu, tremblant. Reynolds est troublé en le découvrant.
Reynolds : Votre majesté, j’ai une lettre.
George : Charlotte ?
George tend la main pour la prendre.
Monro : Non, Vous n’êtes pas prêt.
George : Mettez-la avec les autres.
George : Sire … Avez-vous besoin d’assistance ?
George : Avec les autres.
L’assistant claque à nouveau la porte au nez de Reynolds, perturbé. Les cris du roi reprennent. Après une hésitation, Reynolds s’exécute et range la lettre avec les autres, sur le bureau de George dans l’observatoire.
Dans la chambre de Lord Danbury, Agatha allongée sur le lit regarde les motifs du plafond, qu’elle connait par cœur. Coral entre.
Coral : Vous avez des visiteurs dans le hall.
Agatha : Je suis en deuil. Renvoie les.
Coral : Certes, Madame, sauf qu’il s’agit de Lord et Lady Smythe-Smith.
Agatha : Les Smythe-Smith ? Ici ?
Coral : Avec le duc de Hastings, ainsi que d’autres familles de notre côté. Ils disent être inquiets.
Agatha : Eh bien ?
Lady Smythe-Smith : Agatha, très chère. Nous sommes bouleversés pour vous, pour votre perte. Nous sommes en deuil.
Duc de Hastings : C’était un grand homme
Lord Smythe-Smith : Un être hors du commun
Lady Smythe-Smith : Nous le regrettons tous.
Agatha : Néanmoins … il y a un néanmoins n’est-ce pas ?
Lord Smythe-Smith : Il y a un néanmoins, effectivement. Nous avons besoin de savoir ce qu’il va se passer.
Agatha : Je ne comprends pas, monsieur.
Lord Smythe-Smith : Qu’avez-vous entendu ?
Lady Smythe-Smith : Qu’allez-vous devenir ?
Duc de Hastings : Qu’allons-nous devenir ?
Agatha : Pardonnez-moi. Je regrette, je n’ai pas la moindre idée de ce dont vous parlez.
Lord Smythe-Smith : Pour la cour, vous êtes un membre de confiance.
Lady Smythe-Smith : Vous êtes l’une des favorites de la reine.
Duc de Hastings : Le palais vous a certainement dit quelques mots. Sur la procédure. Sur ce qui allait se passer.
Lord Smythe-Smith : Lord Danbury est le premier parmi nous à avoir quitté ce monde. Le premier à détenir un titre de noblesse, dans notre camp. Et vous avez un fils.
Agatha : Vous êtes en train de me demander si mon fils de quatre ans est aujourd’hui Lord Danbury ?
Lord Smythe-Smith : Nous devons savoir si les lois de succession qui s’appliquent à leurs sujets vont s’appliquer aussi aux nôtres. Hérite t’il du titre de son père ?
Agatha : Je n’ai jamais réfléchi à cela. Nous perdrions tout en une génération.
Lady Smythe-Smith : Oui, ce que vous perdrez, nous le perdrons. Vous allez jeter les bases pour nous tous.
Duc de Hastings : Resterez-vous Lady Danbury ou demeurerez-vous madame Danbury ?
Agatha cherche les documents qui leur ont attribué titres et domaines dans le bureau de Lord Danbury.
Coral : Ses valets ne sont pas au courant, ni son majordome. Peut être que Lord Danbury n’en avait pas.
Agatha : Mon mari avait pourtant un notaire. Ils se voyaient pour régler bon nombre de choses. Il suffit que je retrouve son nom.
Coral : Ca vous ennuierait à ce point, madame, de perdre votre titre ?
Agatha : Oui, Coral. Ils sont tous venus ici en quête de réponses que je me dois d’apporter. Nous leur avons donné tant d’espoir. L’égalité a un parfum très singulier. Le bal des Danbury. Ils ne sont pas disposés à l’oublier aussi facilement. Cela marque à jamais. Ah ! Le voici.
Coral : Le notaire ?
Agatha : Le notaire va s’en charger. Je vais lui écrire et lui demander de venir.
Coral : Vous pensez sincèrement qu’un notaire va se déplacer pour voir une femme ?
Agatha : Eh bien … dans ce cas, je vais simplement signer « Danbury ». J’ose espérer qu’il pensera que je suis un homme qui ignore les usages.
Au palais de Buckingham
Charlotte : Un mot en retour ?
Brimsley : Je crains que non, votre majesté.
Charlotte : Avez-vous la certitude qu’il reçoit les lettres ?
Brimsley : Je les porte, votre majesté.
Charlotte : Est-elle toujours là ? Elle n’est pas tombée dans l’escalier ? Ne s’est pas étouffée avec un os de poulet ?
Brimsley : J’ai le regret de vous dire qu’elle se porte fort bien, votre majesté.
Dans le salon, la princesse Augusta brode, Charlotte pose pour le peintre Ramsey qui fait son portrait.
Charlotte : Cela commence à être bien long
Ramsey : Votre majesté ?
Charlotte : Ce que je vous demande, c’est si vous avez bientôt fini.
Ramsey : Je n’en suis malheureusement pas à la moitié.
Charlotte : Ramsey, je ne suis pas une femme si large.
Ramsey : Certes non, votre majesté, mais … il nous faut le roi.
Ramsey fait tourner la toile vers Charlotte. Une moitié du tableau la représente, l’autre moitié est blanche.
Ramsey : Il s’agit d’un portrait de mariage, commandé par sa majesté le roi.
Charlotte : Bien sûr. Sa majesté … a demandé un portrait de mariage.
Elle lance un regard en coin vers Augusta.
Augusta : Sa majesté est très attentionnée.
Charlotte : Mon teint est trop clair. Faites-le plus foncé. Tel qu’il est en réalité.
Ramsey : Votre majesté …
Augusta : Laissez-moi regarder. Non. Peignez le plus clair. Pâle. Sa majesté veut qu’elle soit éclatante.
Les deux femmes se toisent du regard. Augusta, triomphante, se rassoit. Brimsley regarde la princesse, d’un regard venimeux. Charlotte a un léger pincement des lèvres.
Le soir, elle écrit une nouvelle lettre qu’elle confie à Brimsley.
Charlotte : Allez-vous passer la nuit à me regarder, Brimsley ?
Brimsley : Mes excuses, votre majesté.
Dans sa chambre, Brimsley décolle délicatement le sceau de Charlotte. Il la lit puis recolle le sceau. Il reste pensif. Le lendemain, il donne à nouveau rendez vous à Reynolds dans le jardin.
Reynolds : Allez-vous me donner cette lettre ?
Brimsley : Il n’y a pas de lettre.
Reynolds : Il y en a une.
Brimsley : Il n’y en a pas.
Reynolds : Je la vois dans votre main.
Brimsley : Il y a une lettre.
Reynolds : Je l’ai dit, oui.
Brimsley : Il y a une lettre mais pas pour le roi. Elle a écrit au duc Adolphus.
Reynolds : Pardon ? Le frère de la reine en Allemagne ? Pour quelles raisons ?
Brimsley : Parce qu’elle ne peut pas sortir sans avoir un pays d’accueil et une protection masculine.
Reynolds : Oh !
Brimsley : Vraiment, Reynolds ? Je ne vais pas la poster, n’est-ce pas ?
Reynolds : Je dois répondre ?
Brimsley : Oui, j’attends une réponse. C’est très … Elle veut quitter le pays. Je peux oublier de la poster. Dois-je oublier de la poster ?
Reynolds : C’est à vous d’en décider.
Brimsley : C’est à nous d’en décider. Dites-le à sa majesté. Il en prendra la mesure, reviendra vers elle et ce sera résolu. Alors ? Dois-je oublier de la poster ?
Reynolds : Toute action sera vaine. Postez-la.
Brimsley : Nous faisons face à un grand danger. Et vous préférez vous taire.
Il s’éloigne, Reynolds se sent impuissant et sa conscience est tourmentée.
Chez les Danbury. Coral finit d’apprêter sa maitresse.
Coral : Marcher, madame ? Pour aller où ?
Agatha : Je veux marcher.
Coral : Comment ça ? Comme font les vagabonds ou les poètes ? Oh non, il n’en est pas question. Je dois vous accompagner.
Agatha : Non, Coral. Je te remercie mais j’ai besoin de solitude.
Coral : Je peux me tenir à distance.
Agatha : De solitude.
Agatha se promène dans les champs et arrive à une vieille petite maison de bois. Elle s’assoit sur le banc devant le perron. Elle se déchausse et masse ses pieds. Lord Ledger la surprend.
Lord Ledger : Ces chaussures ne me semblent pas idéales pour aller dans les champs.
Agatha : Lord Ledger. Que faites-vous ici ?
Lord Ledger : Ce sont mes terres.
Agatha : Je croyais être sur les miennes.
Lord Ledger : Vos terres sont de l’autre côté. Vous êtes ici sur mon domaine. Nous nous touchons.
Agatha : Nous nous touchons. Ma présence est illégale ?
Lord Ledger : Je ne lâcherai pas mes chiens sur vous. Vous ne faites que flâner.
Agatha : Je flâne ? Je croyais simplement marcher. Quelle est la différence ?
Lord Ledger : Si je le savais. Je m’y adonne si souvent que j’ai qualifié cela de flâneries pour y mettre une touche pittoresque au lieu d’y voir un grain de folie et modérer l’inquiétude de Lady Ledger. Ainsi, je m’offre chaque jour un moment de flânerie. Et vous ?
Agatha : C’est la première fois. Quant à moi, j’appelle cela tout bonnement «marcher».
Lord Ledger : Pourquoi ?
Agatha : Parce que je me sens devenir folle.
Lord Ledger : Je suis navré pour votre mari.
Agatha : Je ne pouvais plus rester couchée, alors je suis sortie. Sur vos terres.
Lord Ledger : Que ce soit pour flâner ou marcher cela vous fera beaucoup de bien. Même si vous n’irez pas loin, chaussée de la sorte.
Agatha : Je n’ai pas réfléchi.
Lord Ledger : Qu’importe, vous ferez mieux demain.
Agatha : Demain ?
Lord Ledger : Je vous attendrai ici demain. A la même heure. Vous penserez à être mieux chaussée. Et nous flânerons ensemble.
Ils se saluent, il passe son chemin, Agatha sourit.
Palais de Buckingham – 1814
Charlotte prend le thé avec deux jeunes filles. Elle a convoqué deux de ses fils.
Charlotte : Ha vous voilà. William, voici la princesse Adélaïde.
Princesse Adelaïde ; Très honorée, votre altesse royale.
Charlotte : Edward, voici la princesse Victoria.
Princesse Victoria : Très honorée, votre altesse royale.
Prince William : Ravi de vous rencontrer.
Prince Edward : Bonjour.
Charlotte : Mes fils avaient hâte de faire votre connaissance. Bien. Voilà. Nous vous rappellerons dans les plus brefs délais.
Adelaïde et Victoria : Votre majesté – Vos altesses royales.
Edward : Qui étaient-ce ?
Charlotte : Ce sont vos promises.
Edward : Nos promises ? Elles sont étrangères.
Charlotte : Quelle importance ? Elles sont nobles. Elles sont riches. Elles sont bien introduites. Elles sont parfaites. Et la semaine prochaine, elles deviendront vos épouses.
Edward : Avez-vous dit la semaine prochaine ?
William : Vous ne parlez pas sérieusement. N’avons-nous pas notre mot à dire ? Ne pouvons-nous pas nous prononcer sur notre avenir ? Qui plus est quand vous nous demandez de le sceller à de parfaites étrangères ?
Londres –1814
Lady Danbury et Violet visitent une galerie où sont exposés des tableaux. Presque tous représentent des personnages masculins nus. Violet est pensive et s’évente vigoureusement.
Lady Danbury : C’est un chef d’œuvre absolu, n’est-ce pas ? Et il est tellement grand. Grandeur nature. On pourrait croire que nous nous tenons à leurs côtés. Très provocateur tout de même.
Violet : Oui, en effet.
Lady Danbury : Violet ? Tout va bien ? Répondez-moi franchement.
Violet : Naturellement, quelle question.
Lady Danbury : Je sens … Je dois dire que je vous connais bien et à notre dernière rencontre je ne vous ai pas trouvée dans votre assiette, d’une façon peu habituelle chez vous.
Violet : Je vais pourtant bien.
Lady Danbury : Violet Bridgerton !
Violet : C’est exact, je ne suis pas dans mon assiette. Voyez-vous, à la maison… Anthony est en voyage de noces. Gregory a tant grandi qu’en un mois, on croirait qu’il a pris un mètre, Eloïse a l’air de s’être brouillée avec Pénélope et vous savez comme elles étaient proches. Alors elle va et vient dans la maison, le regard lourd comme un ciel d’orage. Ce n’est rien en soi, mais … Comprenez-vous ?
Lady Danbury : Eh bien, Violet
Violet : Agatha
Lady Danbury : Nous sommes amies. Il n’y a rien que vous ne puissiez me confier.
Violet : Je … Je ne vois pas ce que vous sous entendez.
Lady Danbury : Mais moi non plus, je ne vois pas ce que je sous entends. Ce que je sens … c’est que vous ne me dites pas tout et je compte bien sur vous pour m’en livrer davantage.
Violet : Non, non, je serais gênée.
Lady Danbury : Alors, je ne me trompe pas ?
Violet : Je ne peux pas !
Lady Danbury : Vous le pouvez !
Violet : J’ai … Il … semble que mon … jardin soit en fleurs.
Lady Danbury : Nous sommes en plein hiver. Le sol est gelé.
Violet : Avec mon mari, nous avions un jardin. Un jardin luxuriant, avec de nombreuses variétés de fleurs. Et quand il est mort, le jardin est mort aussi. Je ne pensais même plus à ce jardin, je ne voulais plus de ce jardin. Mais récemment, sans crier gare, voilà que le jardin s’est mis à nouveau à bourgeonner.
Lady Danbury : Le jardin ?
Violet : Et j’ai envie de choses. Du contact du soleil. De l’air. De sensations.
Lady Danbury : Votre … jardin est en … bourgeon
Violet : Il bourgeonne, il explose, il est hors de contrôle.
Lady Danbury : Oh, Violet !
Violet : Suis-je en train de devenir dangereuse, Agatha ?
Lady Danbury : Oui, je le pense.
Violet : J’ai failli demander au valet de s’allonger sur moi aujourd’hui.
Lady Danbury : Vicomtesse Bridgerton ! Mon Dieu.
Violet : Je dois partir, maintenant. J’ai été ravie de vous voir.
Lady Danbury : Violet …
Violet : Je suis restée à cette exposition plus longtemps que je ne le pensais. Bonne journée !
Elle s’enfuit, en continuant à s’éventer vigoureusement.
Londres –1761
Lord Ledger l’attend sur le banc de la vieille maison lorsqu’Agatha le rejoint.
Lord Ledger : Eh bien ?
Agatha : hum. Des bottes de cheval. Beaucoup mieux.
Lord Ledger : Hum
Agatha : Cela se résume donc à cela ?
Lord Ledger : Oui, pour ainsi dire.
Agatha : Il suffit de mettre un pied devant l’autre et encore et encore et ainsi de suite.
Lord Ledger : Mais ce n’est pas tout. Je me sers de mes yeux également. J’observe.
Agatha : Qu’observez-vous ?
Lord Ledger : Ce qu’il y a. Les lièvres blancs, la mue hivernale des chevreuils, l’éclosion des perce-neige, le murmure des grandes migrations d’étourneaux. Voilà. Mais je vois tout aussi bien ce qui n’est pas là.
Agatha : J’ai peur de ne pas saisir.
Lord Ledger : Les boutons de rose qui scintillent, le bouton d’or et le bourdonnement des abeilles. Le chant des hirondelles, l’été. A force de parcourir ces champs, on a une vision globale de tout ce qui s’y passe. On perçoit en même temps ce qui est là et ce qui n’y est pas. Ce qui n’est pas là n’est pas du tout absent. Le crottin de cheval, en revanche, n’a pas besoin d’être vu. On sait toujours qu’il est là.
Un autre jour.
Coral : Madame !
Agatha : J’aspire encore à un peu de solitude, Coral.
Coral : Bien, madame, mais on me dit qu’hier soir, vous n’avez pas touché votre dîner.
Agatha : Dis leur que je me passe de dîner.
En promenade avec Lord Ledger.
Agatha : Lesquels sont les étourneaux déjà ?
Un autre jour.
Coral : La solitude, madame ?
Agatha : La solitude, Coral.
Agatha : La voyez-vous ?
Lord Ledger : Quoi donc, Lady Danbury ?
Agatha : Mais la chouette hulotte, avec un brin de laurier dans le bec.
Lord Ledger : J’avoue que non.
Agatha : Pourtant, Lord Ledger, comme elle n’est pas là, vous devriez bien la voir. L’élève a dépassé son maître.
Palais de Buckingham – 1814
Les princes William et Edward entrent dans le salon de Charlotte
Charlotte : Ah, parfait. Vous voici tous les deux. Nous devons discuter des décorations florales pour le mariage.
William : Ce ne sera pas nécessaire, mère, puisqu’il n’y aura pas de mariage.
Edward : Vous avez oublié quelque chose, l’autre jour.
William : Notre frère ainé, George. Le prince de Galles.
Edward : Le prince régent d’Angleterre. L’homme qui dirige le royaume depuis l’incapacité de notre père.
William : L’homme, qui d’après l’acte du Parlement sur les mariages royaux est le seul autorisé à approuver un mariage au sein de la royauté. Y compris les nôtres.
Edward : Or, il ne les a pas approuvés. Et il ne les approuvera pas. Il est même froissé que vous ne l’ayez pas consulté avant.
Charlotte : Vous avez raison.
Edward : N'est-ce pas ?
Charlotte : Je me suis égarée. J’ai outrepassé mes droits. En tant que prince régent, l’affaire repose entièrement sur la décision du prince de Galles. Il assume le rôle du souverain et détient l’autorité suprême.
William : Absolument.
Charlotte : Maintenant, George, soyez un bon garçon et approuvez le mariage de vos frères.
George : Je les approuve.
Palais de Buckingham - 1761
Le duc Adolphus a reçu la lettre de sa sœur et vient lui rendre visite. Brimsley vient à sa rencontre et le conduit chez Charlotte.
Brimsley : Monsieur a-t-il fait une bonne traversée ?
Duc Adolphus : Horrible.
Brimsley : Votre majesté, le Duc Adolphus Frederick IV de Mecklembourg-Strelitz.
Charlotte : Pouvez-vous me dire où elle est ?
Brimsley : Il me semble qu’elle est avec sa modiste.
Charlotte : Attendez dehors, Brimsley.
Duc Adolphus : Votre majesté.
Charlotte : Relève-toi, tu es ridicule.
Adolphus : Moi aussi, je suis heureux de te voir ma sœur.
Charlotte : Tu n'as pas pu venir plus vite ?
Adolphus : Mein Gott ! Cela te va bien d’être reine. Ah, j’aurais aimé être là plus tôt, mais la traversée a été éprouvante. Je n’arrive pas à garder la nourriture.
Charlotte : Un point que nous avons en commun.
Adolphus : Votre majesté ! oh, quelle joie ! Quelle bonne nouvelle !
Charlotte : Sauf que cela ne me réjouit pas. Je veux rentrer Adolphus.
Adolphus : Rentrer ? C’est absurde.
Charlotte : C’est absurde ? Tu vas me ramener chez nous. Maintenant. Et tu ne peux pas dire non. En venant ici tu m’as dit que tu ne pouvais pas dire non à l’Empire britannique. Eh bien, aujourd’hui, je suis leur reine.
Adolphus : Tu es à fleur de peau.
Charlotte : Pitié, si tu dis ça encore une seule fois, je te fais décapiter.
Adolphus : Charlotte ! Tes entrailles abritent le fruit de l’Angleterre. Et tant que ce fruit n’est pas mur, imagine que ton corps est un arbre. Un arbre dans le verger de la couronne. Tant qu’il n’aura pas …
Charlotte : Un arbre du verger ?
Adolphus : Ce que j’essaie simplement de dire, c’est que l’enfant que tu portes ne t’appartient pas.
Charlotte : C’est mon corps qui le fait grandir.
Adolphus : Quelle importance ?
Charlotte : Quelle importance ? Eh bien prends ma place, alors.
Adolphus : Ton propre corps ne t’appartient pas. Quitter le royaume maintenant serait une trahison. L’enlèvement d’un roi. Une déclaration de guerre.
Charlotte : Je veux simplement rentrer chez nous. Auprès des miens, de ma famille. Avec toi.
Adolphus : Je ne suis plus ta famille maintenant. C’est le roi George, ta nouvelle famille. A moins que … Quelque chose te tourmente ?
Charlotte : Non, bien sûr que non.
Adolphus : Il ne te fait pas de mal, j’espère.
Charlotte : Non, tout va bien.
Adolphus : Tu m’en vois soulagé. Ca n’aurait pas été facile de … d’intervenir.
Charlotte : Pourquoi ? Adolphus, pourquoi ?
Adolphus : J’ai négocié tes fiançailles avec habileté. Je suis parvenu à forger une alliance de poids entre notre province et l’Angleterre.
Charlotte : Une alliance ? C’est donc pour ça que tu m’as mariée à ce peuple.
Adolphus : Les deux parties y ont gagné. Les lions étaient à nos portes. Grace à cette alliance, la maison des Mecklembourg-Strelitz est protégée par la puissance de la Grande Bretagne. Charlotte, nos destins sont scellés. Voilà pourquoi il est bon que tu sois bien traitée ici.
Charlotte : Mais quelle importance ? Puisque mon corps est à lui, n’est-ce pas ? Nous avons des faisans de Tartarie maintenant. Voudrais-tu les voir ?
Reynolds ne supporte plus les cris du roi, d’autant que certains domestiques commencent à chuchoter.
Valet : Ca fait une éternité.
Docteur Monro : Encore !
Valet : Quelle souffrance !
Reynolds : Quelque chose vous tracasse ?
Valet : Rien, monsieur.
Reynolds : Alors cessez immédiatement ces messes basses !
Agatha et Lord Ledger sont assis devant la vieille maison en bois.
Agatha : Ce qu’il y a ? Il y a mes enfants, ma servante, Coral.
Lord Ledger : Et qu’est-ce qui vous manque ?
Agatha : Ma famille. Bientôt, mon domaine, mon titre aussi. La couronne pourrait me les reprendre. Et ne plus pouvoir croire au bonheur.
Lord Ledger : Votre époux ?
Agatha : Je ne le rangerais pas dans la catégorie de ce qui va manquer à ma vie. Serais-je un monstre d’avoir osé le dire ?
Lord Ledger : Non. Cela ferait de nous deux des monstres.
Agatha : Que voulez-vous dire ?
Lord Ledger : Rien d’autre que … j’entends cela. J’imagine que beaucoup de veuves diraient la même chose. Des veufs aussi, s’ils étaient aussi libres que vous.
Agatha : Vous me pensez libre ? J’ai cru que je le serais. Mais ce que je vois c’est qu’il est mort et que je me retrouve avec un autre fardeau. Celui d’une femme qui n’a pas d’existence, sans mari. Je suis seule, à présent. Mais la vie m’est hors d’atteinte. C’est bientôt mon anniversaire, mais à quoi bon ? Ce sera un jour de deuil comme les autres. Tout ce qui m’attend avec certitude, c’est mon deuil, la broderie et prendre le thé avec d’autres veuves, pour toujours.
Lord Ledger : Il y a la flânerie.
Agatha : Il y a la flânerie.
Lord Ledger : Il y a moi.
Agatha : Vraiment ?
Leurs visages se rapprochent. Juste avant que leurs lèvres ne se touchent, Lord Ledger se lève brusquement.
Lord Ledger : Ce fut une belle matinée, merci.
Agatha : Oui. Une belle matinée. Merci
Lord Ledger : Je devrais … Il serait bon que … Bonne journée, Agatha.
1814
Lady Danbury se tient devant la vieille maison en bois délabrée. Elle regarde avec nostalgie le banc qui s’est effondré. Puis elle regagne sa voiture et le valet de pied qui l’attend un peu plus loin.
1761
Allongée sur son lit, Agatha regarde le plafond. La porte s’ouvre.
Agatha : Non, je n’ai pas faim, Coral.
Coral : Un monsieur est là pour vous.
Agatha : Qui est ce monsieur ?
Coral : Il dit être le notaire. Il cherche la dame qui ne signe pas de son nom complet.
Notaire : J’ai bien peur que ce genre d’affaire n’ait jamais eu de précédent. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont parlé d’Expérimentation.
Agatha : Et mon mari est le premier à mourir.
Notaire : Alors le problème est que le titre et les terres ont été spécifiquement attribués à feu Lord Danbury, Dieu ait son âme, et non à vous. D’ordinaire, ils seraient transmis au Lord Danbury suivant.
Agatha : Mais nous avons eu un fils. J’ai un fils.
Notaire : Nulle part il n’est stipulé que les nouveaux titres de noblesse sont transmis en héritage. En toute logique, ils reviennent à la couronne.
Agatha : Ce qui fait de moi une Lady rien-du-tout. Ne comptant plus que sur l’argent et la vieille maison que mon mari m’a laissé.
Notaire : Ah…
Agatha : Oh non.
Notaire : Il se trouve que lorsque votre mari a accepté ce nouveau domaine, il a dépensé une part importante de ses finances pour subvenir à votre nouvelle vie. Tailleurs, cotisations au club, chevaux, domestiques supplémentaires.
Agatha : Non, mon mari possédait l’une des plus grosses fortunes de toute l’Angleterre.
Notaire : Je regrette, mais j’ai bien peur qu’il ait surévalué sa fortune à vos yeux. Il en a englouti une bonne part, pour mener le train de vie d’un Lord.
Agatha : Alors, à cause de ce titre de noblesse, qui va très certainement nous être repris, je vais me retrouver … comment ? Sans argent ? Sans maison ? Que vais-je donc pouvoir faire ?
Notaire : Eh bien ce que font toutes les veuves désargentées. Vous en remettre à la bonté d’un homme de la famille. Oh ! ou vous remarier.
Dans un accès de rage, désespérée, Agatha défait le lit de son mari et lui donne des coups de pied.
Dans la salle à manger de Buckingham. La princesse Augusta fait face au duc Adolphus. Charlotte, à sa place habituelle, ne touche pas à son assiette et semble murée dans le silence. Avec un air désapprobateur, Brimsley observe la princesse douairière.
Augusta : C’est tellement gentil de rendre visite à votre sœur. Après mon mariage, je n’ai pour ainsi dire jamais revu ma famille. Charlotte, mesurez votre chance. Elle est épuisée. Cet isolement. Je m’en souviens bien. Porter un futur roi n’est pas chose aisée.
Adolphus : Où se trouve l’actuel souverain ? Sa majesté va-t-il se joindre à nous ?
Augusta : Sa majesté est à ses affaires. Charlotte est d’un grand soutien pour lui. Votre majesté ?
Charlotte : Je lui écris des lettres.
Augusta : Très chère, le plus dur est accompli. Vous avez fait votre devoir. Vous avez conçu un héritier. Vous êtes libre, à présent. Concernant mon fils, rien ne vous oblige à le revoir si jamais vous n’y tenez pas. Tant que nous n’avons pas besoin d’un autre héritier.
Effondrée, Charlotte réalise quel rôle lui a été assigné. Elle regagne sa chambre, seule, suivie de Brimsley. Dans le couloir, elle chancèle puis marque un temps d’arrêt. Dans un geste de compassion, Brimsley tend sa main et voudrait pouvoir la réconforter mais n’ose pas. Elle essuie une larme et reprend sa marche. Brimsley la suit, navré et indigné des propos de la princesse douairière.
Brimsley a demandé à Reynolds de venir de toute urgence à Buckingham. Il l’entraine dans la chambre du roi et lui montre les graffitis sur le mur.
Reynolds : Alors, dites-moi, pourquoi suis-je venu ?
Brimsley : Eh bien, j’ai considéré que vous aimeriez voir les murs. Regardez, ils ont été brossés, plus aucune trace de …
Reynolds : Les murs ?
Brimsley : Et j’ai réfléchi à l’installation de claustras dans le jardin. Si sa majesté le roi ressent le besoin de se baigner au clair de lune, sans aucun vêtement, nous pouvons lui aménager un paravent.
Reynolds : J’ai fait tout ce chemin pour un claustra de jardin et le nettoyage des murs ?
Brimsley : Non, non. Autre chose me préoccupe. Sa majesté la reine est dans un état que je ne lui ai encore jamais connu. Je suis inquiet, Reynolds. Je crains que nous n’allions à la catastrophe. Je me demande si sa majesté ne devrait pas voir à nouveau cet homme, le médecin du roi, pour sa santé mentale.
Reynolds : Certainement pas, non.
Brimsley : Reynolds, écoute-moi !
Reynolds : J’ai dit non !
Brimsley : Tu ne me donnes rien. Tu ne me dis rien. J’ai eu beau te demander de m’aider, tu as refusé de me traiter comme un camarade ou ton égal.
Reynolds : Je ne peux pas t’aider ! Je dois repartir.
De retour à Kew, déterminé, Reynolds entre dans le laboratoire de Monro. Un assistant l’arrête et l’empêche d’aller plus loin.
Monro : Encore !
Reynolds : Je suis le majordome du roi. Je viens voir le roi.
Assistant : Vous savez que vous n’êtes pas autorisé à entrer.
Reynolds : Je suis le majordome du roi. Je viens voir le roi.
Assistant : Retournez dans vos quartiers.
Reynolds : Mais enfin, que diable lui faites-vous ?
Monro : Nous le traitons. Encore ! Encore :
Reynolds : Arrêtez cette folie
Monro : Sortez-le-moi d’ici ! C’est un ordre !
Les assistants le frappent et le jettent dehors.
Monro : Encore ! Encore !
Dans le jardin de son palais, Agatha réfléchit à sa situation, tout en regardant ses enfants jouer. Puis elle arrache la voilette de veuve qui lui couvrait le visage.
Nounou : Allez, je regarde. Bravo ! Voila, très bien. Allez, lance. Bravo, félicitations.
Lui, il s’appelle David. Je vous l’ai déjà dit, Dominic.
Vous l’attrapez, David ? C’est parfait. Allez David, n’ayez pas peur, vous allez y arriver.
1814
Lady Danbury a invité Violet à revenir voir les tableaux qui l’avaient troublée.
Lady Danbury : Merci de venir me retrouver. J’ai pensé que vous verriez mieux l’exposition, sans la foule à nos côtés. Ils ont ouvert rien que pour nous.
Violet : Agatha, je voudrais vous présenter mes excuses pour mon emportement d’hier. J’ose espérer que vous ne m’en voulez pas et que vous oublierez ma conduite ridicule.
Lady Danbury : Votre conduite n’a pas été ridicule, et je n’oublierai rien.
Violet : Agatha,
Lady Danbury : Après tout que savons-nous l’une de l’autre ? Profondément ? Au-delà de nos histoires généalogiques et de nos veuvages ? Quelle expérience les femmes de notre rang ont-elles d’une relation entre amies ? Tout n’est que bavardages mondains, intrigues conjugales et potins à la mode. Vous n’avez pas hésité à ouvrir votre cœur pour montrer qui vous êtes. C’est faire preuve de courage. Nous, les mères, les tantes, les représentantes de l’aristocratie, nous passons notre vie à lancer des projets de mariage, à intriguer, à deviser sur l’amour, à parler d’amour, de romance. Mais il n’est jamais dit ce qu’une femme d’âge mur ressent véritablement, ce que l’amour représente pour elle. Ce que c’est que de vivre sans. Ce que c’est de le perdre. Nous sommes abreuvées de commérages et d’histoires. Mais les femmes que nous sommes ne sont jamais l’objet de la conversation. Lady Whistledown ne s’exprime jamais sur nos sentiments. Nous sommes des histoires sans parole. Et hier, vous m’avez confié quelque chose sur vous, sur votre histoire. Alors, merci du fond du cœur.
Violet : C’est moi, qui vous remercie infiniment.
Venez, par ici. J’aimerais vous montrer un tableau assez ancien. L’un de mes préférés. Leur jardin est toujours rempli de fleurs.
Violet : Encore maintenant ? C’est … Sa majesté le roi est …
Lady Danbury : Oh, peu importe la folie quand l’amour ne cesse de croître. Pour eux, les mauvaises herbes font partie du jeu. Nous avons tous un jardin, Violet. Mon jardin n’a pas pu se faner à la mort de mon mari, puisqu’à la vérité il n’avait encore jamais fleuri. Et j’en étais d’ailleurs presque à douter de son existence. Il n’a pu se développer que bien après sa disparition. Et quand ce fut le cas, je l’ai entretenu avec rage.
Violet : Je n’ai jamais songé de toute ma vie à un autre homme que mon mari. Mais là, je sens …
Lady Danbury : Rien n’est plus normal que d’avoir ce désir. Dites-le.
Violet : Je veux que mon jardin s’épanouisse. Que mon jardin soit visité le plus possible.
Palais de Buckingham - 1761
Sous une grande ombrelle tenue par un valet, Charlotte déambule dans le jardin potager du roi.
Brimsley : Devons-nous replanter ?
Charlotte : Non. Laissez-les mourir.
Brimsley : Votre majesté, vous ne pouvez pas partir.
Charlotte : Je sais cela.
Brimsley : d’Angleterre. Vous ne pouvez quitter l’Angleterre.
Charlotte : Il faudra que vous restiez ici.
Brimsley : Je ne peux pas.
Charlotte : Vous serez tenu pour responsable. Il faudra que vous restiez ici. Où est-elle ?
Brimsley : Elle est à Saint-James, au palais. Elle reçoit au salon de sa majesté le roi.
Chez les Danbury
Nounou : Allons, petit chenapan, ce n’est rien qu’un jabot.
Dominic : Eh bien, portez-le alors.
Nounou : Oh, oh, mais quelle impertinence.
Agatha : Dominic, vous cessez immédiatement. C’est un jour important et vous devez vous tenir convenablement.
Nounou : Soyez un bon garçon, écoutez votre mère, Dominic.
Dominic : Quand retournerons-nous auprès de Nanny ?
Agatha : Dominic, on se connait peu et j’en suis navrée. J’ai comme vous, peu connu mes parents. Je sais combien ce doit être effrayant d’être arraché ainsi à Nanny. Mais je suis votre mère et votre père est avec les anges. Alors dorénavant, c’est vous l’homme de la famille.
Dominic : C’est moi, l’homme de la famille ?
Agatha : Oui, et notre famille compte sur vous pour faire votre devoir.
Dominic : C’est entendu.
Palais royal – 1761
Agatha : J’ai pensé qu’il était grand temps, votre altesse, de vous présenter mon fils. Lord Danbury.
Dominic : Quel plaisir de vous rencontrer, votre altesse.
Princesse Augusta : Un plaisir que je partage avec vous, Lord.
Lord Bute : La transmission du titre est soulevée.
Comte Harcourt : Et bien loin d’être accordée.
Lord Bute : Cela suscite quelques craintes.
Comte Harcourt : Mesurez-vous la portée de l’affaire ?
Augusta : Un enfant des plus charmants. Je souhaite vivement vous revoir bientôt. Quelle est la personne suivante ?
Comte Harcourt : Le nouveau gouverneur de Pondichéry.
Dominic : Ai-je bien accompli mon devoir, mère ?
Agatha : Vous leur avez montré qui vous étiez.
Dominic : Dominic Danbury, fils de Herman Danbury.
Agatha : Oui. C’est exact. Et vous êtes Lord Danbury et vous prendrez la place qui vous revient parce que c’est votre droit le plus strict et parce que vous êtes mon fils. Vous êtes le fils d’Agatha Danbury, Soma de son nom de naissance. De la tribu de sang royal Kpa-Mende Bo en Sierra Leone. Vous êtes issu d’une famille de guerriers, de vainqueurs. Ne l’oubliez jamais.
Lord Ledger fabrique un chapeau d’anniversaire, Violet brode près de lui.
Violet : C’est très beau, père. Mais vous allez devoir recommencer.
Lord Ledger : Pourquoi, ma beauté ?
Violet : Celui-ci est trop large pour ma tête.
Lord Ledger : Votre anniversaire vient de passer, mon trésor. Celui-ci est pour quelqu’un d’autre.
Violet : Vous n’en faites jamais pour d’autres personnes.
Lord Ledger : Non, mais cette personne est particulièrement triste. Mais vous avez peut être raison. Ce n’est peut être pas une bonne idée.
Violet : Non, il faut le lui offrir. Vos chapeaux mettent en joie. Et nul ne doit être triste à son anniversaire. Vous aiderai-je père ?
Lord Ledger : Celui-ci j’aimerais autant le confectionner seul.
Violet : Des fleurs en papier. Tout le monde les aime.
Lorsque lady Danbury rentre chez elle avec Dominic, le carrosse de Charlotte est dans la cour et Coral se précipite à la rencontre de sa maîtresse.
Coral : Elle a un teint si lumineux. Elle rayonne. Je n’ai jamais vu personne d’aussi riche. Mes mains ont frôlé son manteau.
Agatha : Calme toi Coral. A-t-elle donné le motif de sa visite ?
Coral : Sa majesté la reine n’a pas besoin de se justifier.
Agatha : Tu as raison. Conduis-le à sa nanny.
Agatha : Votre majesté. A quoi dois-je cet honneur ?
Charlotte : Je suis venue vous présenter mes condoléances officielles, naturellement. Mon soutien, mes prières.
Agatha : Je suis très touchée. Votre majesté devrait rester chez elle au palais et se reposer.
Charlotte : Chez moi ? Ce palais n’est pas chez moi. Je viens de quitter cet endroit et jamais, plus jamais, je ne retournerai la bas.
Agatha : Mais, où sa majesté compte t’elle aller ?
Charlotte : Ma foi, je … je suis venue ici.
Agatha : Elle me dit vouloir rester ici.
Coral : Ici ? Mais quel honneur !
Agatha : Non, je trouve cela terrifiant. Elle attend un enfant. L’héritier de la couronne. Elle porte en elle l’avenir de l’Empire britannique. Je ne saurais pas garantir sa sécurité. Elle doit mener une vie parfaite et puis ce serait couvrir une … La reine d’Angleterre me demande de commettre une trahison, Coral.
Coral : Oh ! Mes aïeux ! c’est … Puis-je faire quelque chose ?
Agatha : Envoie un valet au palais de Buckingham.
A Buckingham.
Duc Adolphus : On nous parle constamment des prouesses des tuniques rouges britanniques. Mais à quoi bon si leurs chefs d’Etat sont victimes de la négligence de leur personnel.
Brimsley : Nous nous acquittons de nos tâches avec le plus grand soin, Monsieur.
Adolphus : J’aurais cru que la plus importante de toutes était de ne pas perdre votre reine !
Brimsley : Je suis au service de sa majesté, pas au vôtre ! Et sa majesté n’est pas perdue. Sa majesté s’est repliée pour des raisons bien connues de moi et je suis parfaitement à même d’arranger la situation. Si des personnalités étrangères en colère ne me barrent pas la route et comprennent qu’il est important que la disparition de la reine Charlotte puisse être abordée avec une grande discrétion.
Adolphus : Je vous prie de m’excuser.
Brimsley : Préparez une voiture !
Valet : Oui, monsieur !
Charlotte : Oh, je sais, moi aussi mon petit, mais … oh !
Agatha : Pardonnez-moi, votre majesté. Votre valet Brimsley, est là.
Charlotte : Oh c’est le plus subtil des valets.
Agatha : Votre frère est là également.
Charlotte : Eh bien, je ne souhaite pas les voir.
Agatha : Votre majesté, je ne prétends pas savoir quels problèmes vous attendent au palais. Quoi qu’il en soit, je suis sûre qu’ils ne seront pas résolus ici.
Charlotte : Ils ne seront résolus nulle part.
Agatha : Pouvez vous me dire ce qui vous tourmente ?
Charlotte : J’aimerais beaucoup. Mais je ne le peux. Tout ce que je peux dire, c’est que je suis victime de trahisons, de mensonges de la part de tous dans ce pays, sauf de vous. Vous êtes ma seule amie.
Agatha : Votre majesté, je ne suis pas votre amie. J’aspire à l’être. Mais en cet instant, vous conviendrez que je ne suis pas autre chose que votre sujet et je me comporte en tant que tel. Sans … tenir compte de ce que vous ressentez. Je vous associe à une couronne au lieu de laisser s’exprimer votre humanité. Alors si nous voulons être amies nous devons repartir de zéro. Parce que j’ai également grand besoin d’une amie.
Charlotte : Vous serez mon amie ?
Agatha : Je serai votre amie.
Charlotte : Ce n’est pas la vie dont je rêvais.
Agatha : Vous et moi, nous sommes des femmes et ces messieurs qui décident de notre destin ne se rendent pas compte que nous avons des désirs. Des rêves personnels. Si un jour nous voulons vivre la vie de notre choix, il faut qu’ils prennent conscience de tout cela. Notre courage, notre volonté farouche, en seront pour eux la preuve.
Plus tard, Charlotte rejoint le duc Adolphus et Brimsley pour les accompagner à Buckingham. Brimsley aide Charlotte à mettre son manteau.
Charlotte : Veuillez remercier tous vos domestiques pour l’hospitalité, Lady Danbury.
Agatha : Comptez sur moi, votre majesté.
Adolphus : Puis je vous remercier également, Lady Danbury, pour votre discrétion et votre délicatesse.
Agatha : Au service de sa majesté.
Charlotte prend les mains d’Agatha, elles se sourient et avec un signe de tête de connivence, elles se séparent.
1814
C’est le jour du mariage des princes Edward et William. La reine et ses fils sont déjà dans l’église et attendent l’arrivée des princesses.
Prince William : Mère !
Charlotte : Non ! Quelle que soit l’impertinence, quelle que soit l’esquive, réprimez la. Votre longue vie de jeune homme est finie. Dans une heure, vous serez un homme marié.
William : Je sais. Mais mère, j’ai peur.
Charlotte : Peur de quoi ?
William : De ne pas être capable de l’aimer.
Charlotte : Nul n’est capable ou incapable d’aimer, selon des principes liés à je ne sais quelle magie, je ne sais quelle chimie. Ca, c’est dans les pièces. L’amour est une question de détermination. C’est un choix que l’on fait. Vous prenez quelqu’un en mariage et vous faites le choix de l’aimer. Vous ne vous laissez pas d’autre choix. Car le mariage est une épreuve pleine de souffrances et que les membres de la famille royale sont très seuls. Alors vous optez pour quelqu’un et vous tenez bon. Et vous l’aimez, vous l’aimez sans relâche de toutes vos forces. Sans cela, vous êtes perdu.
Les princesses Victoria et Adelaïde entrent chacune au bras de leur père, sur la marche nuptiale. William sourit à Adelaïde et avec un regard de remerciement pour sa mère, se dirige vers l’autel.
Palais de Buckingham - 1761
Duc Adolphus : La première responsabilité d’une reine n’est pas envers elle-même mais envers ses sujets. Des reines ont porté ce fardeau avant vous et vous ne démériterez pas. Avec le temps, vous apprendrez à aimer vos nobles responsabilités, l’expression naturelle de votre noble caractère, et ces écarts de jeunesse ne seront plus que des souvenirs déplaisants. Charlotte ?
Charlotte : Brimsley
Brimsley : (avec un sourire) Retenez le carrosse de sa majesté.
Adolphus : Nous venons tout juste d’arriver, vous ne pouvez pas …
Valet : Retenez le carrosse !
Adolphus : Où allez-vous à présent ?
Charlotte : Par mon mariage, vous avez voulu que je devienne la reine d’Angleterre. Je vais là où doit se rendre la reine d’Angleterre.
Agatha s’apprête à sortir, Lord Ledger est devant sa porte. Il lui tend le chapeau d’anniversaire.
Agatha : Ledger
Lord Ledger : Madame.
Agatha : Qu’est-ce donc ?
Lord Ledger : Un chapeau d’anniversaire. J’en confectionne à l’occasion. J’ai fait celui-ci pour vous. Je ne connaissais pas le jour précis du votre, mais je ne voulais pas omettre de vous le souhaiter.
Agatha : Vous ne pouvez être là.
Lord Ledger : Mais je ne suis pas là.
Agatha : Ni passer cette porte.
Lord Ledger : je n’ai pas l’intention de le faire.
Agatha : Vous devez être silencieux.
Lord Ledger : Je ne ferai pas un bruit. Puisque je ne suis pas là. Comme vous le voyez, pas plus que je ne passe cette porte.
Il entre, il la prend dans ses bras et ils s’embrassent.
1814
Lady Danbury fouille dans des coffres où sont serrés des souvenirs. Elle ne trouve pas ce qu’elle cherchait. Elle se fait porter toutes les malles de son palais, qu’elle fouille méticuleusement. Dans une boite en tissu, elle sort enfin le chapeau d’anniversaire que lui avait offert Lord Ledger.
Palais de Kew – 1761
Le carrosse de Charlotte entre dans la cour du palais. Reynolds attend Charlotte sur le perron. Le docteur Monro et son assistant sortent du sous-sol.
Charlotte : Où est le roi ?
Reynolds : Je suis sincèrement désolé, votre majesté, mais le roi ne peut vous recevoir.
Charlotte : Sottises. Conduisez-moi à lui.
Monro : Votre majesté, j’ai peur que ce ne soit pas possible.
Charlotte : Cela est parfaitement possible. Je veux le voir. Où est-il ?
Monro : Non, votre majesté, je vous le déconseille.
Charlotte : Ne me dites pas ce que je dois faire, docteur. Alors conduisez moi à lui ou je demande à mes hommes de fouiller tout le palais.
Reynolds : Par ici, votre majesté.
D’un regard, Brimsley remercie Reynolds d’avoir bravé Monro.
Quand Charlotte ouvre la porte du laboratoire, elle entend le roi hurler de souffrance. Horrifiée, elle le découvre attaché sur le fauteuil, un assistant lui applique des fers rougis au feu sur les jambes.
Charlotte : Détachez-le ! Détachez le roi !
Les gardes de Charlotte exécutent son ordre. George se lève en titubant et tombe dans ses bras. Il tient des propos incompréhensibles.
Charlotte : Que tout le monde sorte. Sur le champ !
Charlotte : George ! regardez ; George, c’est moi. Ou bien Vénus. Vénus est là. George. Au diable Vénus. Je suis Charlotte. Je suis Charlotte et je veux retrouver George. Pouvez-vous essayer ? Revenez moi. Revenez, George. Revenez moi ! George, revenez.
Elle prend ses mains et les pose sur son ventre. Peu à peu, les gestes désordonnés cessent et le regard de George reprend vie.
Charlotte : Le sentez-vous, George ? Il gigote. Je suis Charlotte. C’est notre enfant. Et vous devez revenir à vous-même, George, ou nous n’existons plus.
George : Charlotte.
Charlotte : Ho.
Elle le serre dans ses bras. Puis elle sort. Le docteur Monro est là, avec son assistant qu’il remercie.
Monro : Votre majesté doit se rendre à l’évidence. Bien qu’épuisantes, mes méthodes ont fait leurs preuves. Je souhaite la guérison du roi avec autant de ferveur que votre majesté.
Charlotte : L’essentiel n’est pas sa guérison. Je me soucie de son bonheur. Je me soucie de son âme. Laissez-le dans sa folie si la folie lui convient. Votre travail est terminé. Qu’il disparaisse de ma vue.
Monro : C’est une grave erreur. Une erreur qui va anéantir le …
Charlotte : Vous avez de la chance que je n’ordonne pas de vous anéantir.
Elle se dirige vers Reynolds et Brimsley, prêts à recevoir ses ordres.
Charlotte : Il a besoin de manger, d’un bain chaud et de vêtements. Et qu’on prépare mes malles. Nous nous installons à Kew.
1814
En posant son chapeau d’anniversaire sur sa tête, Lady Danbury se souvient. Et parce que l’étreinte de Lord Ledger était bien différente de celle de Lord Danbury et qu’elle ne voulait plus voir le plafond, Agatha s'est retournée et a choisi dans quelle position elle voulait enfin connaitre le plaisir.
Rédigé par Mamynicky